Endormies d’un profond sommeil, bien enfouies sous leur couverture, elles attendent quelque chose pour sortir de leur sommeil… Mais quoi ? Le baiser d’un prince charmant ?
Bien sûr que non, je ne vous parle pas ici d’une quelconque princesse, mais bien de graines en dormance dans le sol, des graines de « mauvaises herbes » !
Et ce qu’elles attendent pour germer, ce n’est pas un prince sur son cheval blanc, mais bien que certaines conditions soient remplies.
Ces conditions à remplir dépendent de chaque plante. Certaines attendent simplement un peu d’humidité ou une température suffisante, d’autres sont plus exigeantes et demandent des conditions précises pour se « réveiller », elles sont alors dites « bio-indicatrices ».
Et c’est là que cela devient intéressant pour le jardinier !
En effet, si l’on observe la flore naturellement présente sur un terrain, celle-ci nous raconte bien des choses…
la présence en nombre de certaines espèces vont ainsi nous indiquer la nature du sol sur lequel elles se développent : Est-ce un sol équilibré ? Ou au contraire un sol dégradé ou en cours de dégradation ? Et ce sol, est-il plutôt calcaire ou acide ? Sec ou humide ?…
La nature nous parle, regardez-la pour l’écouter.
Les plantes qui nous dévoilent l’acidité du sol :
La présence de certaines plantes nous dit clairement s’il faut se tourner vers des plantes acidophiles, neutres ou calcicoles pour orner notre jardin.
Un sol équilibré, à pH de 6 à 7, se voit naturellement colonisé par du mouron blanc (Stellaria media), du plantain lancéolé (Plantago lanceolata), de la luzerne tacheté (Medicago arabica), de la grande oseille (Rumex acetosa).
Un sol acide (pH 4 à 5,5) favorise la pousse d’espèces acidophiles comme la callune (Calluna vulgaris), la bruyère (Erica cinerea), les bouleaux (Betula sp.), le genêt à balai (Cytisus scoparius).
Un sol calcaire (pH entre 7 et 9) accueille des espèces calcicoles comme l’helmintie (Picris echioides), le réséda jaune (Reseda lutea), la picride fausse épervière (Picris hieracioides).
Les plantes qui nous indiquent la teneur en matière organique du sol (rapport C/N):
De nouveau, les plantes nous parlent et nous disent si notre sol est équilibré en matière organique ou s’il faut le rééquilibrer en ajoutant plus de matière carbonée ou azotée.
Un sol trop riche en carbone (Rapport C/N > 20), favorise la pousse d’espèces forestières comme les ronces (Rubus sp.), les églantiers (Rosa sp.), les pruneliers (Prunus spinosa), l’aubépine (Crataegus monogyna), le lierre (Hedera helix), le géranium Robert (Geranium robertianum). La présence de ces plantes nous indique une évolution de notre jardin vers l’engorgement en humus carboné et un retour à la forêt…
Au contraire, un sol trop riche en azote et en potasse accueille les espèces nitrophiles comme le grand rumex (Rumex obtusifolius), le liseron des haies (Calystegia sepium), le géranium à feuilles rondes (Geranium rotundifolium).
La présence du mouron blanc (Stellaria media) et du plantain lancéolé Plantago lanceolata) nous indique la présence d’une bonne vie microbienne aérobie, bref, un sol riche et équilibré en matière organique et bien aéré. Le chénopode blanc (Chenopodium album) et l’amarante (Amaranthus sp.) se développent sur des sols riches en humus. Leurs présences est donc de bonne augure dans un potager.
Les plantes qui nous parlent de la quantité et la qualité des argiles :
Certaines plantes nous renseignent sur la qualité du complexe argilo-humique.
Un sol bien pourvu en argile et en humus aura un très fort pouvoir de rétention, sera très fertile et ne craindra pas la sécheresse, il favorise la levée de la fétuque à feuilles de roseau (Festuca arundinacea), la mercuriale vivace (Mercurialis perennis) et les ails, oignons ou autres poireaux sauvages (Allium sp.).
Si au contraire le sol contient très peu d’argile et d’humus, il favorisera les espèces comme la petite oseille (Rumex acetosella), la miborée naine (Mibora minima), le souci des champs (Calendula arvensis), la spergule des champs (Spergula arvensis).
Les plantes qui nous dévoilent un manque d’aération du sol :
Un sol qui suffoque à lui aussi ses plantes bio-indicatrices, reste à savoir ce qui l’empêche de respirer…
Un sol complètement engorgé en eau, en anaérobiose totale (manque d’oxygène), favorise la présence d’espèces de bocages comme les joncs (Juncus sp.), les épilobes (Epilobium sp.), le liseron des haies (Calystegia sepium). Si vous ne voulez pas que vos plantes s’y noient, il faudra drainer le terrain ou travailler sur un support de culture adapté.
Un sol compacté, asphyxié à cause du piétinement par les animaux, de passages fréquents ou du travail du sol par temps humide, va se couvrir d’espèces rampantes stolonifères comme la renoncule rampante (Ranonculus repens), la potentille rampante (Potentilla reptans) ou le vulpin des champs (Vulpia myosuroides). L’usage de la grelinette s’avèrera utile sur ce type de sol.
Un sol engorgé en matière organique carbonée et carencé en azote, et donc à faible vie microbienne aérobie, lèvera la dormance de la véronique feuille de lierre (Veronica hederafolia), de la fétuque rouge (Festuca rubra), des ronces (Rubus sp.), des fougères (Pteridium aquilinum). Une culture d’engrais vert pourrait remédier à cela.
Un sol avec un excès de matière organique animale ou un excès d’azote, ce qui provoque un compactage, un tassement du sol et une baisse de la vie microbienne, sera lui colonisé par le liseron des champs (Convolvulus arvensis), la véronique de Perse (Veronica persica), le géranium disséqué (Geranium dissectum). Usage de grelinette et paillage avec des matières fortement carbonées (paille) semblent tout indiqué…
Les plantes qui nous renseignent sur les pollutions du sol :
Un sol pollué en métaux lourds et aluminium verra exploser sa population de renoué du Japon (Reynoutria japonica) et de renoué de Sakhaline (Reynoutria sachalinensis).
Un sol pollué aux pesticides ou en cours de salinisation par les engrais solubles quant à lui fera germer le datura (Datura stramonium), les lampourdes (Xanthium sp.), la ciguë (Aethusa cynapium), l’euphorbe ésule (Euphorbia esula).
Toutes ces plantes nous donnent de précieuses informations sur le sol, à nous de les écouter pour savoir quoi planter et si des solutions doivent être mises en place.
Si j’ai beaucoup de mouron blanc chez moi, je peux me réjouir d’avoir un sol riche et équilibré ; si, au contraire, la véronique à feuille de lierre est dominante, mon sol a un excès de carbone et il faudrait idéalement l’améliorer avec du compost animal riche en azote ou la culture d’un engrais vert.
Outre nous renseigner sur l’état du sol sur lequel elles poussent, ces plantes « bio-indicatrices » vont aussi avoir une action bénéfique sur ce sol. La nature tend vers l’équilibre et les plantes bio-indicatrices corrigent naturellement les déséquilibres du sol.
Ainsi, les plantes indicatrices d’un sol épuisé, trop compacté, ont des racines pivotantes ou profondes, voir les deux. Elles agissent pour décompacter le sol et permettre à l’air et à l’eau de pouvoir à nouveau s’infiltrer. Elles ont en outre la faculté d’aller puiser dans le sol les nutriments qui ne sont plus disponibles et de les rendre à nouveau disponibles pour les autres plantes.
Les plantes indicatrices d’un déséquilibre du sol vont le rééquilibrer en fixant les éléments carencés. Par exemple, lorsqu’une terre et son couvert végétal sont brûlés, une grande partie du potassium part en fumée. Les graines de plantes fixatrices de potassium, comme les fougères, qui y sont en dormance vont alors germer et y fixer le potassium dans le sol, le rendant ainsi à nouveau disponible dans le sol. Il en va de même pour un sol carencé en azote sur lequel des légumineuses fixatrices d’azote atmosphérique s’installent.
Les plantes qui poussent sur des sols pollués, comme par exemple le datura, sont capables de fixer les métaux lourds et dépolluent le sol. Avez-vous toujours envie de vous en débarrasser absolument en sachant cela ?
Les plantes naturellement présentent sur notre terrain nous indique donc comment y jardiner et nous aident à rééquilibrer le sol. Apprenons à les écouter pour jardiner avec la nature et pas contre elle 😉
Et si vous voulez approfondir le sujet, je vous conseille le livre qui a inspiré cet article: « L’encyclopédie des plantes bio-indicatrices alimentaires et médicinales, guide de diagnostic des sols » de Gérard Ducerf (3 volumes).
Votre coach, Harmony.
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